Les Lumumba Papers révèlent les activités suspectes de la banque BGFI RDC, filiale de la banque gabonaise Banque Gabonaise et Française Internationale (BGFI) en République démocratique du Congo, et son implication dans la corruption et le détournement de fonds publics. Largement basé sur des documents internes divulgués par l’ex-employé de la banque Jean-Jacques Lumumba, l’affaire révèle également l’existence de transactions suspectes entre la BGFI et la Commission électorale nationale indépendante.
La banque gabonaise BGFI a des branches dans une dizaine de pays, dont la RDC, la Cote d’Ivoire et la France. Les propriétaires de la filiale congolaise sont, entre autres, la BGFI Holding Corporation (60%) et Gloria Mteyu – la sœur du président Kabila (35%).
Lumumba était cadre dirigeant de la branche Crédits au sein de BGFI RDC depuis 2014. En 2016, Lumumba découvre l’existence de plusieurs transactions suspectes de dizaines de millions de dollars entre la banque congolaise dirigée par des proches de la famille du président Kabila et des sociétés, elles aussi contrôlées par des proches du Président. Lumumba tente d’alerter en interne ses supérieurs. Menacé avec une arme à feu par le Directeur général de la banque, Francis Selemani Mtwale, le frère adoptif du Président Kabila, Lumumba quitte son pays puis révèle courageusement ce scandale de corruption massive.
En octobre 2016, le journal belge Le Soir publie un article approfondi sur les révélations. En décembre 2016, c’est Bloomberg qui publie un article décrivant la richesse de Kabila et des membres de sa famille, en s’appuyant partiellement sur des documents de Lumumba. Les différents membres de la famille Kabila ont, d’après l’article, des parts dans des dizaines de compagnies, dont des compagnies minières et banquières. L’article mentionne aussi les méfaits de la BGFI.
Depuis janvier 2017, PPLAAF travaille en étroite collaboration avec Lumumba, en lui fournissant des conseils juridiques pro bono, en étudiant les documents qu’il a fournis, et en utilisant des chercheurs spécialisés pour analyser les documents qu’il a gardés depuis son passage à la BGFI.
PPLAAF a conduit des enquêtes approfondies avec Le Monde et l’OCCRP.
Les documents donnés par Lumumba à PPLAAF contiennent des relevés du compte bancaire de la CENI à la BGFI. Ces documents révèlent des transactions financières inexpliquées qui sont incompatibles avec les responsabilités de la CENI. Ils montrent, par exemple, que des responsables de la CENI ont effectué des retraits en liquide d’un montant total de 7,5 millions de dollars sur une période de trois mois en 2016, sans donner aucune explication pour ces transactions.
En outre, la BGFI RDC aurait octroyé un crédit bancaire à la CENI de 25 millions de dollars en ne respectant ni la procédure interne de la banque, ni la mise à l’index de la CENI par la Banque centrale du Congo décidée le 22 mai 2014. Selon l’Instruction n°13 de la Banque centrale, la mise à l’index implique à charge de la personne frappée, la suspension ou l’interdiction du bénéfice des services et facilités auprès de tous les établissements de crédit. Selon Lumumba, ce crédit a été validé par le Directeur général adjoint sur ordre du Directeur général, malgré le blocage du compte demandé par Lumumba.
La société Entreprise Générale d’Alimentation et de Logistique (EGAL) est officiellement un importateur de produits alimentaires. EGAL a reçu, sur un compte bancaire d’EGAL au sein la BGFI, 42,9 millions de dollars de la part de la Banque centrale du Congo, bien que cette dernière n’ait pas l’autorisation de verser de l’argent à des sociétés privées. A l’époque des faits, le directeur de la Banque centrale, Albert Yuma, était également membre du conseil d’administration d’EGAL. Au cours de l’année 2013, la BGFI a également octroyé à EGAL, sous la forme de prêts sans soubassement, plus de 42 millions de dollars.
Une grande partie de ces sommes a ensuite été transférée à des sociétés étrangères, dont certaines appartiennent aux propriétaires d’EGAL eux-mêmes : Samaki en Namibie, All Ocean Logistics aux Iles Féroé et African Trading and Maintenance à Hong-Kong. Ces sociétés ont ensuite été utilisées pour l’achat en Namibie d’animaux sauvages et leur transport vers la RDC où ils ont été livrés à la Ferme Espoir, la société du président Kabila.
De plus, d’après le rapport annuel d’EGAL 2014, la compagnie a reçu des réductions d’impôts importantes.
Le conseil d’administration d’EGAL compte entre autres Albert Yuma, président de la Fédération des entreprises du Congo, Eric Monga, un proche de Kabila, Marc Piedboeuf, l’administrateur de la Ferme Espoir, et Alain Wan, directeur de la compagnie de construction MW AFRITEC.
D’après les relevés bancaires d’EGAL, la compagnie n’a aucun revenu sauf les prêts accordés par la Banque centrale du Congo et de la BGFI RDC.
Les enquêtes menées par PPLAAF, Le Monde et OCCRP montrent comment EGAL a été utilisée pour importer de Namibie vers la RDC des animaux sauvages sans doute pour les intérêts privés du président Kabila.
Les hommes d’affaires et proches de Kabila, Alain Wan et Marc Piedboeuf, ont vendu en 2010 à Kabila la société des Grands Elevages du Congo (GEL), désormais la propriété de la susmentionnée compagnie de Kabila : la Ferme Espoir. Ferme Espoir est dirigé par Piedboeuf, qui est également demeuré directeur général de GEL.
Le président Kabila aurait l’intention de transformer la Ferme Espoir en un parc d’attraction. EGAL achète les animaux sauvages et les envoie à la Ferme Espoir. En mai 2017, par exemple, 450 animaux sauvages dont des antilopes, des girafes et des zèbres ont été transférés à Matadi à la demande du Président. Les animaux sont transportés par le bateau El Nino, propriété de All Ocean Logistics.
La Gécamines, une compagnie d’Etat congolaise, est une compagnie minière présidée par Albert Yuma. Selon l’article du Soir, publié grâce aux révélations de Lumumba, la compagnie a ouvert une ligne de découvert de 30 millions de dollars à la BGFI. Le remboursement devait se faire en un an avec un taux d’intérêt de 11,5%.
Lumumba a révélé dans la presse que la banque a prélevée les intérêts deux fois par mois, donc le double de la somme. C’est ainsi que 2,7 de millions de dollar US qui ont été déduits par la BGFI. Après les révélations, la banque a remboursé le trop-perçu à la Gécamines.