La campagne “Le Congo n’est pas à vendre” (CNPAV) exhorte l’ensemble des autorités congolaises à protéger les lanceurs d’alertes qui ont récemment été victimes de persécutions. La justice congolaise doit permettre la poursuite d'enquête sur les malversations dénoncées, et assurer la protection des dénonciateurs de la corruption.
Le CNPAV est cependant hautement préoccupé par le traitement subi par les personnes révélant des activités illégales et se réclamant du statut de lanceur d’alerte, qui font souvent l’objet de poursuites judiciaires et sont placées en détention provisoire de manière injustifiée.
Dans chaque pays se considérant démocratique, la protection des lanceurs d’alerte doit être une priorité. Des mesures effectives de prévention et de sanction contre les représailles à leur égard doivent être mises en place.
Le lanceur d’alerte est une personne qui, dans le cadre de sa profession, devient le témoin d’actes dissimulés de corruption, d’injustice, d’abus de pouvoir ou de menaces à la santé publique ou à l’environnement. Son indignation le pousse à signaler ces méfaits pour protéger l'intérêt public.
Au lieu d’enquêter sur les faits révélés par les lanceurs d’alerte, en RDC, les institutions policières et judiciaires deviennent plutôt instrumentalisées par les auteurs des activités illégales dénoncées, dans le but de les intimider et faire taire ces lanceurs d’alerte. Ce qui est tout à fait contraire aux objectifs que s’est assignée la RDC, notamment celui de lutter efficacement contre la corruption et toutes autres formes d’anti-valeur.
Le CNPAV appelle notamment l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) à agir. Créée en mars 2020, l’APLC doit prendre des dispositions appropriées pour assurer la protection des lanceurs d'alerte (article 2).
« Dans ces affaires, le pouvoir judiciaire a l’opportunité de poser un acte fort, en accordant des protections légales aux lanceurs d’alerte et en diligentant de véritables enquêtes impartiales sur ses dénonciations », a déclaré le lanceur d’alerte Jean-Jacques Lumumba. « Notamment, c’est à l’APLC de prouver qu'elle est dotée des moyens nécessaires pour la protection des congolais qui mettent leurs vies en risque pour dénoncer la corruption ».
Trois cas récents sont représentatifs de ces dérives.
Claude Mianzuila travaillait comme consultant au sein de la Miba, la Société minière de Bakwanga, qui exploite les diamants du Grand Kasaï. Il a accusé le directeur financier de la société de malversations, dont le remplacement des plus beaux diamants par des pierres de moindre valeur, causant un préjudice de dizaines de millions de dollars pour la société.
L’épouse du directeur financier de la Miba, également employée de la société, a porté plainte contre M. Mianzuila pour atteinte à son honneur, entraînant son arrestation le 4 juillet 2020. M. Mianzuila a été libéré de prison après 55 jours de détention provisoire, le 28 août 2020, suite à son acquittement par le Tribunal de paix de Mbujimayi. Il fut toutefois condamné à une amende de 1500 dollars pour injures publiques.
Israël Kaseya travaillait à Access Bank RDC, la filiale congolaise de la banque nigériane Access Bank, depuis 2012. En tant que gestionnaire de comptes, il déclare avoir constaté que sa banque avait des comptes bancaires détenus par des entreprises qui seraient liées à Congo Futur, une société sanctionnée par les autorités américaines depuis 2010 pour ses liens avec le Hezbollah - considéré comme organisation terroriste par les Etats-Unis. D’autre part, la banque détournerait de l’argent de ses clients en pratiquant des retenues de frais illicites sur leurs comptes.
Il a alors dénoncé ces pratiques auprès de sa hiérarchie à Access Bank RDC, qui n’y aurait pas mis fin et serait au contraire entré en conflit avec cet employé.
De son côté, la Banque l'accusé d’usage de faux, abus de confiance et escroquerie, pour ce faire M. Kaseya a été licencié le 11 mai 2020. Il a été arrêté le 21 mai et placé en détention provisoire.
Alors que la justice se penche sur les accusations portées contre M. Kaseya en ce qui concerne ses agissements au sein de son ancienne banque, et sans vouloir interférer dans ce qui se passe actuellement, nous l’invitons également à se pencher sur les accusations portée contre Access Banque qui sont de nature à mettre en danger le système financier congolais.
Jospeh Kitanagla travaillait en tant qu’aviseur au Fond de Promotion de l’Industrie (FPI).
C’est là qu'il a remarqué des malversations par ses supérieurs et des non-paiements envers lui et ses collègues aviseurs.
Après avoir dénoncé ces détournements, Kitangala fut l'objet d’une arrestation par voie d’un avis de recherche par le Parquet General de Matete en 2019. Depuis, Kitangala est détenu à la prison de Makala. Sa requête pour l’obtention de la liberté provisoire a été rejetée.
La non prise en compte de cette inquiétude par les autorités concernées sera une manière de renforcer les activités illégales tant combattues en théorie par la politique gouvernementale de la RDC.
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