Le Congo N’est Pas à Vendre appelle le nouveau gouvernement de la Première Ministre Judith SUMINWA à mettre fin à la Convention Sino-Congolaise et à appliquer le régime du Code Minier au projet Sicomines.

Kinshasa-Lubumbashi, le 12 Juin 2024 – Le Congo N’est Pas à Vendre (CNPAV) constate l’incertitude du financement des infrastructures, l’ambiguïté sur les prêts ainsi que le maintien des déséquilibres et du manque à gagner pour la population congolaise après la renégociation du Contrat Chinois (Sicomines).

Le CNPAV salue la publication dans les délais légaux de l’avenant 5 signé le 14 Mars 2024 entre le gouvernement congolais et le groupement d’entreprises chinoises après plus d’une année de négociations.

Le CNPAV reste cependant préoccupé par les clauses de cet avenant qui introduisent l’incertitude sur le financement des infrastructures, amplifient l’ambiguïté sur les prêts d’infrastructures et maintiennent les déséquilibres structurels et le manque à gagner que la partie congolaise subit depuis plus de 15 ans.

En effet, après l’analyse minutieuse de cet avenant, le CNPAV constate que les conclusions de la renégociation de la Convention Sicomines n’ont pas résolu les déséquilibres structurels documentés et décriés par les organisations de la société civile et le Comité Exécutif de l’ITIE-RDC. Ces déséquilibres concernent notamment la gestion de la Sicomines hors circuit habituel des finances publiques favorisant la corruption et le détournement des fonds publics, le manque à gagner occasionné par les exonérations fiscales totales non quantifiées ni évaluées accordées à la Sicomines, l’absence de clauses de transfert de technologies et de compétences dans la réalisation des infrastructures, des parts sociales minoritaires injustifiées de la partie congolaise dans la co-entreprise Sicomines et des décaissements extrêmement faibles pour les infrastructures contrairement aux attentes des populations congolaises et aux engagements de la partie chinoise.

A tous ces déséquilibres non résolus, l’avenant 5 ajoute l’incertitude, l’ambiguïté et les contradictions ci-après :

1. Incertitude des fonds pour financer les infrastructures.

Depuis le début de l’année, le Président Félix Tshisekedi , l’Inspection Générale des Finances(IGF) et le Secrétariat international de l’ITIE ont affirmé que le partenariat chinois apportera à l’issue des négociations un total de sept (7) milliards de dollars américains de recettes, soit 324 millions de dollars américains par an pour les investissements d’infrastructures.

Toutefois, l’avenant 5 ne fournit aucune garantie que ces recettes annoncées se réaliseront pour l’État congolais. Plutôt que de prévoir de manière certaine la somme de 324 millions de dollars américains par an telle qu’annoncée par les autorités congolaises, l’avenant 5 conditionne le financement d’infrastructures au prix du cuivre sur le marché international – une variable que la RDC ne contrôle pas. Selon les clauses de l’avenant 5, la partie RDC n’aura accès aux 324 millions de dollars américains par an pour financer les infrastructures que si le cours du cuivre dépasse 8.000 dollars américains la tonne.

Si les cours du cuivre baissent en deçà de 8.000 dollars américains, la RDC recevra moins de $324 millions de dollars américains pour financer les infrastructures. Ainsi, par exemple, il n’y a pas de garantie que l’Etat bénéficiera des 324 millions dollars américains pour l’année 2024 annoncé avec certitude par les autorités congolaises. La Sicomines risque de ne payer que 301 millions de dollars américains, puisque le cour moyen attendu du cuivre est de l’ordre de 7.800 de dollars américains en deçà 8.000 de dollars américains prévu dans l’avenant 5.

Par ailleurs, les clauses de l’avenant 5 indiquent expressément que si les cours de cuivre baissent en deçà de 5.200 de dollars américains par tonne, la Sicomines cessera de financer les infrastructures. Dans cette dernière hypothèse, la Sicomines ne financera aucune infrastructure, quelle que soit la quantité de cuivre et de cobalt produite et vendue. Selon les clauses de l’avenant 5, il existe donc plusieurs scénarios où la Sicomines sera autorisée à exporter gratuitement le cuivre et le cobalt de la RDC sans payer aucun impôt ni financer aucune infrastructure. L’avenant conditionne ainsi lefinancement d’infrastructures au prix du cuivre sur le marché mondial sans égard à la quantité de cuivre et de cobalt produite et vendue par la Sicomines, en contradiction totale avec l’esprit de la version initiale de la Convention Sino-Congolaise qui prévoyait le financement d’infrastructures chaque année, quels soient les cours de cuivre sur le marché mondial.

2. Le cobalt : minerai stratégique oublié dans les calculs ou offert en cadeau à la partie chinoise ?

Le CNPAV constate que l’avenant 5 n’a pas inclus les revenus générés par le cobalt dans les recettes devant contribuer au financement d’infrastructures. Pourtant, dans la convention initiale, la RDC a mis à la disposition de la Sicomines des réserves considérables de cobalt de l’ordre de 619.000 tonnes, soit 5 fois la production annuelle totale de cobalt de la RDC tous projets combinés. De plus, selon les statistiques de la Division provinciale des Mines du Lualaba, la Sicomines a produit 34.000 tonnes d'hydroxydes de cobalt de 2019 à 2023.2 Le CNPAV s’interroge si l’avenant 5 vient d’offrir les revenus du cobalt en cadeau à la partie chinoise ou si les négociateurs congolais ont oublié ce minerai déjà déclaré stratégique par le gouvernement congolais3 en raison de son importance capitale dans la transition énergétique mondiale.

3. Statut et montants exacts des prêts d’infrastructures précédents

Le CNPAV note que l’avenant 5 n’a pas résolu la question de la nature et du montant exact des fonds déjà décaissés pour les infrastructures. Ces fonds sont-ils restés des prêts ou sont-ils devenus des montants non-remboursables ?

Jusqu’à la signature de l’avenant 5, les fonds pour les infrastructures étaient des prêts effectués par la partie chinoise à l’Etat congolais. Selon l’IGF et le rapport ITIE-RDC 2020-2021, les coûts d’infrastructures déjà réalisées dans le cadre du contrat Sicomines varieraient entre 822 millions de dollars américains et 863 millions de dollars américains jusqu’au 30 Septembre 2022, alors que l’avenant 5 parle d’un montant de l’ordre de 1,5 milliard de dollars américains déjà investis avant sa signature.

A ce jour, le CNPAV n’a pas encore obtenu d’information officielle renseignant la période pendant laquelle le montant de plus 600 millions de dollars américains supplémentaires pour les infrastructures ont été payés ni leur destination.

En date du 23 Mai 2024, le CNPAV a adressé une lettre détaillée aux Ministres des Infrastructures et Travaux Publics, du Budget, des Finances et des Mines, signataires de cet avenant pour le compte du gouvernement congolaise, afin d’avoir les informations sur les éléments factuels ayant justifié le maintien des déséquilibres mentionnés ci-dessus et conditionné le financement des infrastructures aux fluctuations des prix du cuivre sur le marché mondial. Le CNPAV n’a reçu aucune suite de la part de ces membres du gouvernement. Cette lettre est annexée au présent communiqué de presse.

Recommandations du CNPAV :

Le CNPAV constate la continuité du caractère déséquilibré de ce partenariat pour la partie congolaise, le maintien des exonérations sont maintenues, la gestion parallèle de la Sicomines vis-à-vis du circuit régulier des finances publiques.

Pour ces raisons, le CNPAV recommande au nouveau gouvernement congolais de la Première Ministre Judith SUMINWA de mettre fin à la Convention et de soumettre la Sicomines au même régime régissant tous les autres projets miniers, notamment celui du Code Minier tel que révisé en Mars 2018.

En plus, le CNPAV appelle le Groupe Multipartite de l’ITIE-RDC d’inscrire la question de la transparence et de l’équilibre du nouvel avenant à la Convention Sicomines parmi ses priorités de gouvernance du secteur extractif.

Enfin, le CNPAV réitère sa recommandation de procéder à l’évaluation exhaustive du projet Sicomines (volet minier et infrastructures) et du manque à gagner engendré par les exonérations fiscales totales.

Pour tout contact :

  • -  Emmanuel Umpula : +243 818 57 75 77
  • -  Jean-Claude Mputu : +32 498 38 11 39
  • -  Freddy Kasongo : +2439955 67001
  • E-mail : corruptiontuerdc@gmail.com

Annexe : Accusé de réception de la lettre CNPAV sur : Demande d’informations supplémentaires sur l’avenant 5 à la Convention Sino-Congolaise (Sicomines) à consulter via le lien situé en bas de la page

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