Dans une vidéo diffusée le 16 novembre 2020, le milliardaire israélien Dan Gertler a annoncé qu’il comptait désormais faire bénéficier les congolais des richesses du pays. Sans donner de détails, il compte ‘partager’ les royalties de l’entreprise cuivre-cobalt de Metalkol, des recettes initialement destinées à la Gécamines et au trésor public.
Le Congo n’est pas à vendre estime qu’une vague promesse de retombées futures pour la population congolaise ne saurait régulariser la privatisation opaque d’un important actif de l’Etat. De même, elle ne saurait compenser les énormes pertes que le pays a subi à cause des transactions de Gertler ces 20 dernières années. La campagne appelle l’IGF à faire un audit approfondi de la cession des royalties de Metalkol, et recommande à la nouvelle direction de la Gécamines de collaborer pleinement avec l’IGF pour évaluer si la cession des royalties de Metalkol a bien eu lieu légalement.
Pour rappel, Dan Gertler a été sanctionné aux Etats-Unis pour corruption, soupçonné de s’être enrichi grâce à des transactions “opaques et corrompues” dans le secteur minier et pétrolier grâce à sa proche amitié avec l’ex-Président Joseph Kabila. Selon le Africa Progress Panel, il a fait perdre plus de 1.3 milliards de dollars à la République. Son mode opératoire est connu: acheter à vil prix des biens miniers auprès d’une entreprise étatique comme la Gécamines grâce à ses connexions politiques, puis la revendre à un multiple du prix à des multinationales. Plusieurs de ces partenaires sont désormais sous enquête pour corruption; l’un d’entre eux est même passé aux aveux.
Malgré les innombrables dénonciations et alertes, la Gécamines a signé un énième contrat secret avec Multree, une société affiliée à Gertler il y a trois ans. Cette fois-ci, la Gécamines lui a cédé les royalties auxquelles elle avait droit dans son partenariat Metalkol. Les royalties représentent 2,5% des recettes nettes de Metalkol, un important projet de cuivre-cobalt près de Kolwezi, et s’élèvent à plus de $1,5 millions de dollars par mois – dont la Gécamines doit transférer la moitié au trésor public selon les lois de finances de la RDC.
“Metalkol est un projet pour lequel le Congo s’était battu pour avoir plus de retombées, dont ces royalties” dit Jean Claude Mputu, porte-parole de Congo n’est pas à vendre. “Or voilà qu’on découvre que ce qui appartenait à tous les congolais a été privatisé au bénéfice de l’ami de l’ex-Président Kabila.”
Ces trois dernières années, Gertler et l’ancienne direction de la Gécamines ont déployé plusieurs stratégies pour garder la transaction secrète. Le contrat de cession des royalties, qui n’a été publié que fin octobre 2020, stipule que les copies et l’existence même du contrat devaient rester secrets pendant au moins trois ans, alors que la législation congolaise exige la publication de ce type de contrats dans les 60 jours après signature.
En plus, le contrat indique que la Gécamines devait toucher $55 millions comme prix de cession, une somme que la Gécamines avait camouflé comme des “avances sur royalties” dans le rapport ITIE 2017, plutôt que dire publiquement qu’elle avait en réalité vendu le droit de collecter les royalties. Elle avait pris soin de ne pas divulguer l’identité de l’entité qui versait l’argent, dissimulant ainsi l’implication de Dan Gertler. Pire, selon ce même rapport ITIE, la Gécamines n’a pas pu fournir de preuves convaincantes qu’elle a effectivement perçu les $55 millions – et encore moins les $83 millions que Gertler affirme avoir payé. Nul ne sait qui a perçu ces montants.
“Le fait que le contrat, les preuves de paiement et l’identité de l'acheteur soient restés cachés pendant trois ans ne présage rien de bon,” selon Freddy Kasongo de l’ONG OEARSE, membre de CNPAV. “Affirmer à présent que ce même actif fera l’objet d’une transaction “sincère et transparente” sonne fallacieux. Un audit rigoureux s’impose.”
Vu l’historique de transactions controversées entre Gertler et la Gécamines, la campagne CNPAV estime en effet que l’IGF devrait réaliser un audit rigoureux et indépendant avant que Gertler ne fasse quelque transaction que ce soit sur ces royalties. Si l’audit révèle que les royalties de Metalkol ont été obtenues de manière illicite, tout citoyen congolais qui les rachèterait risque de se rendre complice de recel.
Outre l’audit de l’IGF, la campagne exhorte la direction de la Gécamines à mener une enquête interne sur cette transaction ainsi que les autres transactions qui lui ont fait perdre des centaines de millions de dollars, et qui continueront à bénéficier le réseau Gertler plutôt que la société étatique. Une vraie lutte contre la corruption implique qu’on fasse toute la lumière sur qui ont été les réels bénéficiaires des activités de Dan Gertler ces vingt dernières années.”
Fait à Kinshasa, le 7 décembre 2020
Organisations signataires: Cdc/RN, AFREWATCH, UNIS, RESOURCES MATTERS, OEARSE, RAID