Cette transparence exigée par la loi du pays permettra à la population congolaise de se rassurer que le Congo a bien récupéré l’ensemble des actifs du réseau de M. Gertler et de juger si l’accord est suffisant pour compenser les milliards de pertes subies par le pays.
Dans la soirée du jeudi 24 février 2022, la ministre de la justice a signé un protocole d’accord en présence de Dan Gertler. Cet accord permettrait de « récupérer des actifs miniers et pétroliers » en l’échange de l’abandon de poursuites que le Congo avait initiées contre lui. Devenu milliardaire grâce à ses contrats dans le secteur extractif congolais et sa forte amitié avec l’ex-Président Joseph Kabila, l’homme d’affaire israélien avait jusque-là nié en bloc avoir enfreint la loi. Le règlement à l’amiable constitue sa toute première reconnaissance qu’il avait effectivement de choses à se reprocher.
La coalition CNPAV exige la publication intégrale du Protocole d’Accord, et ce pour les raisons suivantes :
La transparence des contrats est une exigence légale en RDC. Le code minier et des hydrocarbures exigent la publication des contrats. Cette exigence cadre avec l’ambition du gouvernement congolais d'accroître la responsabilité dans le processus de négociations et d’exécution des termes contractuels, y compris à travers la supervision citoyenne. Cette exigence s’aligne avec les engagements de la RDC dans l’initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). L’ITIE exige des pays membres la publication, « à compter du 1er janvier 2021, de divulguer tous les contrats et licences qui sont octroyés, conclus ou modifiés ».
Nous savons que le groupe de Dan Gertler possédait encore plusieurs actifs stratégiques. Il y a dans un premier temps les blocs pétroliers 1 et 2 du Graben Albertine et une série de permis aurifères juste à côté de Kibali. Le texte de l’accord devra rassurer l’opinion publique que ces actifs soient récupérés sans contrepartie.
Il y a par ailleurs les colossaux paiements de royalties que le groupe de M. Gertler reçoit de trois projets miniers dans le secteur du cuivre-cobalt : KCC, Mutanda et Metalkol. Ces paiements lui rapportent plus de $200.000 par jour.
Le compte rendu du Conseil des ministres du 18 février laisse supposer que l’Etat ne récupérerait pas tous ces royalties : seule une « partie substantielle des royalties de KCC » seraient récupérés. Ceci veut dire que les royalties de Mutanda et Metalkol pourraient continuer à lui revenir. Selon nos analyses, ces paiements pourraient encore lui rapporter des centaines des milliers de dollars par jour. A l’annonce du protocole d’accord, les royalties de KCC n’étaient même plus mentionnées. En d’autres termes, on n’a aucune idée d’une éventuelle compensation et dans quelle mesure le règlement est réellement juste et équitable.
Ce protocole d’accord a été négocié au niveau de la présidence de la république dans le plus grand secret. On affirme qu’on a récupéré les actifs mais on n’en livre aucune preuve. A défaut de publication intégrale de l’accord et d’explications plus détaillées sur les circonstances de sa négociation, nous continuerons à être sceptiques sur son contenu. Vu l’historique des accords léonins que l’homme d’affaire a obtenu avec les autorités congolaises, nous voulons être rassurés que le nouveau régime ne perpétue pas le cycle de corruption des prédécesseurs. Tant que l’ensemble du règlement à l’amiable, y compris toute éventuelle annexe ou amendement, n’est pas disponible au public, nous continuerons nos demandes de transparence dans ce dossier.
Dans les enquêtes en cours à l’étranger, il y a une opportunité pour la RDC de solliciter le statut de victime des pratiques de corruption et des compensations pour les pertes passées. Ceci exigerait une certaine collaboration de la justice congolaise avec les instances internationales. Or voilà que la ministre vient de signer un accord avec M. Gertler. Comment est-ce que cela affecte le potentiel statut de victime de la RDC dans ces enquêtes internationales ? Pire, comment est-ce que ça affecte les possibilités de poursuite de Dan Gertler lui-même ?
La ministre de la justice a expliqué que la récupération des actifs constituait une victoire, mais le gouvernement n’a jusque-là rien dit sur le sort des actifs récupérés. Les sommes récupérées serontelles versées dans leur intégralité au Trésor Public ? Les actifs récupérés seront-ils exploités par la République elle-même ? S’ils seront à nouveau privatisés, y a-t-il enfin des appels d'offres comme la société civile – et la loi – le demandent depuis des années ? Le gouvernement actuel sera jugé sur la manière dont il gère les biens récupérés.
En résumé, la coalition demande ce qui suit :