Que ce soit pour l’hôtellerie, les mines ou les passeports, les investisseurs étrangers ont systématiquement recours à des sociétés écrans enregistrées dans les paradis fiscaux. Cette pratique affecte non seulement les recettes fiscales du pays, elle empêche aussi au public de savoir qui sont les bénéficiaires réels de ces investissements.

La campagne « Le Congo n’est pas à vendre », LUCHA, FILIMBI, IBGDH et UNIS demandent la mise en place d’un registre public des bénéficiaires réels pour s’assurer que la prolifération des sociétés écrans ne serve pas, en réalité, à alimenter la corruption et permettre le blanchiment d’argent dans le pays.

Le dernier cas en date à s’être allié à des sociétés opaques est Accor. Le groupe hôtelier français a signé en 2019 un contrat pour la gestion de trois nouveaux hôtels à Kinshasa, Lubumbashi et Kolwezi avec CHIC. Selon une enquête de RFI, les actionnaires de CHIC sont non pas des individus, mais deux sociétés enregistrées dans les Iles vierges britanniques et les Seychelles. Impossible de détecter le reste de cette chaîne de sociétés-actionnaires qui bénéficieront des trois Novotels qui verront bientôt le jour au Congo.

Le Congo n’est pas à vendre a obtenu des documents montrant qu’il en est également ainsi pour le Hilton. La chaîne hôtellière américaine a signé des accords avec Modern Construction, une société gérée par l’indien Jagtani Harish, qui est impliqué dans le scandale de la rénovation du Sénat. La majorité des actions de Modern Construction est détenue, là encore, par des sociétés aux bénéficiaires inconnus, enregistrées dans les Emirats Arabes Unis et les Iles Vierges Britanniques.

Les deux géants de l’industrie hôtelières affirment avoir fait preuve « d’une diligence raisonnable » ou même « approfondie » sur les potentiels propriétaires et assurent qu’il n’y a « pas de risque » de blanchiment ou de corruption. Ces déclarations ne suffisent pas à rassurer nos organisations car derrière les vitres blindées des sociétés écrans peuvent se cacher des politiciens qui reçoivent une rétro commission (« Coop », selon l’expression du Président congolais) pour avoir facilité l’investissement.

Ces deux affaires viennent s’ajouter à toute une série d’autres affaires suspectes impliquant des sociétés écrans dirigées par des « hommes d’affaires » inconnus aux parcours obscurs.

Nos organisations enquêtent sur plusieurs dossiers dans lesquels des transactions sont passées qui sèment de sérieux doutes quant aux bénéficiaires finaux. A titre d’exemple, $60 par passeport congolais revient à LRPS, une société écran enregistrée aux Émirats Arabes Unis qui appartiendrait à un membre de la famille Kabila, selon Reuters. Même des sociétés congolaises peuvent servir d’écran. Ainsi, la société congolaise Congo Management détient 15% au sein de la société Sicohydro, qui construit actuellement Busanga, le plus grand projet hydroélectrique au Congo depuis Inga 2. Cette société qui représente officiellement la RDC dans le projet est en fait une société privée dont le dossier officiel s’est avéré quasiment vide dans les régistres en RDC. Ce qui est établi par contre c’est que selon les statuts de Sicohydro, Congo Management serait gérée par Norbert Nkulu, l’ex-avocat privé de Joseph Kabila devenu juge constitutionnel.

Nous citerons enfin le cas de Dan Gertler, l’homme d’affaires israélien qui a fait fortune dans le secteur minier et pétrolier congolais via un arsenal de plus de 150 sociétés écrans. Sanctionné aux Etats-Unis pour corruption, le département du trésor américain lui reproche d’avoir agi « pour le compte de Kabila, aidant Kabila à mettre en place des sociétés de leasing offshore. »

Ces différents dossiers montrent qu’il est aussi difficile qu’important d’établir à qui profitent des investissements au Congo. Pour remédier à cette opacité et permettre une meilleure transparence, le pays devrait se doter d’un registre des bénéficiaires réels et finaux pour éviter des ententes illégales et des collisions entre dirigeants politiques corrompus et hommes d’affaires véreux. Un tel registre est déjà la norme dans l’Union Européenne et de plus en plus répandu en Amérique Latine.

Il est urgent que le Congo emboîte le pas. Sans une telle exigence, le risque est grand de voir l’argent de la République finir dans la poche des dirigeants malveillants.

C’est pourquoi « Le Congo n’est pas à vendre » appelle :

1.     A l’établissement d’un registre public des propriétaires réels des entreprises opérant en RDC

2.     A s’assurer que le Guichet Unique et son site internet soient pleinement opérationnels et que les entreprises y déposent dans les plus brefs délais les actes de société

3.     A publier la liste des bénéficiaires réels et finaux des marchés publics de tous les contrats qu’elles signent avec des entreprises privées

4.     A exiger la publication des propriétaires et bénéficiaires finaux de toutes les entreprises qui sont déjà en relation contractuelle avec l’Etat.

La redevabilité, la transparence et la justice doivent être au cœur de la lutte contre la corruption et la Communauté internationale doit jouer pleinement son rôle dans cet engagement au risque de devenir le complice des corrupteurs. La corruption tue et si on y met garde, elle va tuer et compromettre l’avenir du Congo.

Contact Presse :

Jean Claude Mputu : +32 498 38 11 39

Professeur Muteba : +243 826 801 954

Freddy Kasongo : +243 995 567 001


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